Le Père de famille
Au-delà de la vision d'un roi attentif et attentionné, Henri IV se forge auprès de ses contemporains l'image d'un souverain paternaliste : de père du peuple.
« La belle Fosseuse » (Françoise de Montmorency-Fosseux), maîtresse d'Henri est la première à lui donner un enfant en 1581. L'enfant, de sexe féminin est mort-né. Le roi de Navarre a alors vingt-huit ans, il est dans la force de l'âge. Pourtant il attendra avec crainte et soulagement la vraie paternité qui ne viendra que vingt ans plus tard.
Henri IV et l'Ambassadeur d'Espagne / d'après Richard Parkes / s. d. / estampe / Pireneas
Pour le roi de France, il y a nécessité d'enfant, il doit donner au royaume un dauphin. Marguerite de Valois, stérile, est répudiée. Certes Gabrielle d'Estrées lui donne un fils, César, en 1594 mais ce n'est qu'une maîtresse et il semble impossible que l'enfant puisse lui succéder un jour même s'il le reconnaît et le légitime (ce qui sera). Au tournant du siècle, les maladies vénériennes sont en recrudescence. Henri IV en souffre et cela fait craindre sur ses facultés de procréation.
En 1601, à peu de temps d'intervalle, Marie de Médicis sa jeune épouse et Henriette sa maîtresse, tombent enceintes toutes les deux. Le roi est soulagé !
Monsieur, avez-vous des enfants ? [Henri IV jouant avec ses enfants] / Pierre-Henri Revoil, (peintre) / s. d. / gravure / Pireneas
Une seule naissance l'intéresse de prime abord, celle de Louis, le dauphin, le 27 septembre 1601. Visiblement marqué par son enfance, délaissé par ses parents qui se disputent, très tôt orphelin de père (son père meurt en 1562), Henri a gardé de l'héritage maternel le besoin de surveiller et de peser sur l'instruction de ses enfants.
C'est décidé, enfants légitimes et « bâtards » seront réunis au château de Saint-Germain-en-Laye, loin de Paris, de son air vicié et de ses épidémies galopantes.
Madame de Monglat, dont l'époux fut un des fidèles lieutenants du roi, aura la charge de l'éducation. Que les enfants tissent des liens entre eux dès le plus âge, voilà la recette qu'imagine Henri IV espérant de fait qu'ils évitent plus tard de fomenter des complots les uns contre les autres. Pour Louis c'est aussi se retrouver au milieu d'une "crèche" et faire l'apprentissage de la vie. Il doit se faire respecter de tous les autres.
L'affection d'Henri IV pour son fils Louis est réelle et l'attachement de l’enfant pour son père est sincère et réciproque. Le roi se montre très attentif aux désirs du dauphin. De multiples anecdotes prouvent cette connivence entre le père et son fils.
La scène la plus connue est sans nul doute Henri IV jouant à quatre pattes, son fils sur le dos, tandis que survient don Pedro de Tolède, l'ambassadeur d'Espagne.
Il faut en convenir, cela ne fait guère sérieux et ne manque pas d'étonner ! Qu'a cela ne tienne ! Devant faire face à cette situation, le roi demande au plénipotentiaire s'il est lui aussi père de famille. Rassuré, par sa réponse affirmative, le roi prend le parti de poursuivre le jeu avec son fils.
Réelle ou supposée, cette scène prête à sourire. Imaginer l'ambassadeur d'Espagne, grand personnage européen, debout, surpris et dérouté, exposant les motifs de sa venue au roi de France qui imperturbablement continue de jouer au cheval avec son fils, voilà qui n'est pas banal.
Mais allons au-delà de l'image... Le message politique est clair. l'Espagne exaspère hautement Henri IV, ce sont ses ennemis de toujours même si la paix semble être instaurée entre les deux royaumes. Le prétexte est tout trouvé pour se montrer désagréable avec l'ambassadeur : il est avec son fils et il n'y a rien d'urgent, de vital, d'essentiel qui justifierait que le roi s'interrompe.