Le Vert-Galant
Henri IV et les femmes ... Vaste et beau programme qui inspire aux Français goguenards, sourires en coin et hochements de tête compréhensifs !
Si aujourd'hui, l'image du Vert Galant participe directement à la légende de notre Béarnais, de son vivant son amour pour les femmes a souvent fait maugréer car le roi était dispendieux lors de ces occasions.
En Béarn, dans la région de Nérac, mais aussi partout en France là où le roi a séjourné, on vous montera avec le plus grand sérieux, ici un bois, là une maison où Henri aurait détroussé une jolie jeune fille.
Le roi marche incertain, sans escorte et sans guide : L'amour en ce moment allumant son flambeau. / François-Séraphin Delpech / s. d. / estampe / Pireneas
Réputation oblige pour cet homme à qui on attribue 58 maîtresses ! Nombre d'entre elles sont supposées, peu importe ! L'amour que porte Henri IV pour les femmes est véritable. Henri IV, le Vert Galant est proche de son peuple : un roi qui court rejoindre une de ces dulcinées, est un roi qui part seul, sans escorte, un roi que l'on peut rencontrer au détour d'un chemin, un roi qui peut se perdre dans un bois et demander son chemin.
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Henri IV et Fleurette
Henri est un personnage romanesque. Son premier amour datant de 1571-1572 serait la fille du jardinier du château de Nérac : Fleurette. Mais Henri est appelé à Paris par sa mère pour être marié à Marguerite de Valois.
La belle, follement éperdue, après avoir attendu toute la nuit la venue de son galant à l'ultime rendez-vous, se jette de désespoir dans les eaux de la Baïse et se noie.... En réalité Fleurette survivra vingt ans à cet amour pour mourir le 25 août 1592. De cette idylle réelle ou fictive il restera dans le langage populaire l'expression "conter fleurette", exportée en Angleterre puis revenue en France avec "flirt" et "flirter".
Henri IV et Fleurette / Gustave Morin (dessinateur) / E. Desmaisons (lithographe) / s. d. / Pireneas
Oubliée de tous, du roi… et donc des graveurs, Corisande d'Andoins sa maîtresse du temps où il n'était que Navarre, celle qui a guidé ses premiers pas, meurt seule dans son château d'Hagetmau en 1621. Contrairement à Gabrielle d'Estrées ou à Henriette d'Entragues, cette femme qui n'était pas spécialement belle ne répondant pas aux canons de beauté de l'époque, était d'une rare intelligence faisant d'elle une personnalité de premiers plans, aimant le roi pour lui et non pour en tirer un quelconque parti.
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Gabrielle d'Estrées : la favorite
De novembre 1590 à sa mort le 10 avril 1599, Gabrielle d'Estrées marquera en tant que favorite l'histoire du règne d'Henri IV. C'est au camp de Compiègne après avoir levé le siège de Rouen, qu'Henri IV entend parler de Gabrielle, une blonde aux yeux bleus de vingt ans sa cadette. La jeune fille, dont la blancheur du teint est vantée, vit à Coeuvres avec sa sœur et sa tante. Le roi lui rend visite et tombe immédiatement amoureux. Gabrielle se refuse, lui préférant Bellegarde, plus jeune, plus soigné et plus élégant. La famille pourtant ne tardera pas à faire pression sur la jeune fille qui sera instamment priée de devenir sa maîtresse.
Désormais Gabrielle d'Estrées va suivre tous les déplacements du roi. Elle n'est jamais loin quand il livre bataille, à deux pas du Louvre quand il est à Paris : elle brille et s'arroge le droit de conseiller le roi.
Son calcul est savant : elle veut que le roi se convertisse pour se réconcilier avec Rome. Ainsi, il pourra espérer voir le pape prononcer son divorce avec Marguerite de Valois, car Gabrielle d'Estrées n'a qu'une ambition : devenir reine.
D'Estrée à son amant prodiguait ses appas ; il languissait près d'elle, il brulait dans ses bras / François-Séraphin Delpech / lithographie / s.d. / Pireneas
La maîtresse du roi fait et défait des réputations, prend parti, se mêle de tout. Le 7 juin 1594, Gabrielle accouche d'un garçon. Au mois de septembre suivant elle entre dans Paris en tête du cortège royal. Sans être reine, Gabrielle en a le rang ! Toujours dans l'ombre du roi elle lui donne une fille.
Les signes d'affection du roi se multiplient et avec eux les bienfaits. Plus l'acceptation pontificale du divorce se précise, plus Gabrielle se fait pressante. Le roi lui passe au doigt la bague du sacre. Elle meurt en couches le 10 avril 1599 sans être parvenue à ses fins.
Henri IV et Gabrielle d'Estrées / Jules-Joseph-Guillaume Bourdet / Augustine Camille Lesueur (graveur) / 1860 / Pireneas
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Henriette d'Entragues
En attendant que ses conseillers lui trouvent femme, Henri IV s'amourache d'Henriette d'Entragues. Née en 1579, elle a vingt ans à la mort de Gabrielle d'Estrées. Plutôt jolie, d'un caractère enjoué, son sens de la répartie et son érudition plairont à Henri IV qui ne tarde pas à la remarquer. Après avoir fait mine de s'effaroucher, Henriette d'Entragues, elle aussi portée vers ce but par toute sa famille, devient la maîtresse du roi. Henri IV a alors quarante-six ans, les maladies en ont fait plutôt un vieil homme enclin au plaisir charnel, qu’un homme séduisant.
C.rine H.ette de Balzac d'Entragues, Marquise de Verneuil / François-Séraphin Delpech (lithographe) / s. d. / Pireneas
Le 30 octobre 1599, Henri IV ordonne à Sully de trouver 50 000 écus à offrir à la jeune fille, prix de sa virginité. Sully obtempère… les plaisirs du roi coûtent cher ! Devenue sa maîtresse, Henriette d'Entragues ne cesse d'intriguer. Elle profite de l'amour quasi sénile du roi, l'appelant et le repoussant suivant son gré mais surtout en cherchant à lui extorquer un maximum de privilèges, de biens et d'argent.
La scène est célèbre et la colère de Sully mémorable : Un jour, Henri IV lui promet le mariage par écrit (scène de la gravure). Le fidèle ministre récupère le dit parchemin et le détruit. Les conseillers doivent coûte que coûte trouver une femme à Henri IV... Ce sera chose faite peu après avec Marie de Médicis.
Le mariage est rapidement décidé : Henriette d'Entragues a perdu. Elle le sait quand elle s'entend dire pour toute réponse sur la date de ce mariage "aussitôt que j'aurai chassé de ma cour toutes les putains".
Henri IV et Henriette d'Entragues / Le Barbier (dessinateur) / s. d. / gravure / Pireneas
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Qui est l'homme qui se cache sous la table ?
Qui est qui ? Que doit-on comprendre ? Comment interpréter cette gravure sortie de son contexte (le livre pour laquelle elle a été imaginée). A première vue, tout laisse à penser que le personnage, de retour de la chasse avec ses chiens et son fusil à la main, est Henri IV.
Face à lui une femme bien embarrassée par ce retour impromptu (Gabrielle d'Estrées ?). Mais qui est l'homme qui se cache sous la table à sa droite ? Bellegarde ? Si Henri IV connaît la liaison de sa maîtresse, difficile d'imaginer que l'on se gausse du roi ainsi. Un roi fait « cocu », il ne peut pas l'être ouvertement ! Les chansonniers à la fin du XIXe siècle qui se sont saisis du roi Henri IV et de sa popularité, lui font vivre tellement de situation qu'après tout cette scène peut être plausible. Mais il est une tout autre interprétation.
Henri IV n'est pas le personnage que l'on croit mais il est celui qui est surpris. Alors qu'il est avec sa maîtresse le mari de celle-ci rentre de la chasse de manière impromptue. Le roi a juste le temps de se cacher. Des histoires de ce genre, il en a couru de son vivant et la légende posthume n'a fait que multiplier les anecdotes. On est vraiment là dans l'image du Vert-Galant. Quant à reconnaître Henri IV dans l'homme qui rentre dans la pièce... Les graveurs se révèlent coupables de dessiner machinalement et n'accordent pas d'importance réelle aux traits.
L'exemple en ce domaine est loin d'être unique. Sans plus d'élément, a priori ce serait la deuxième version qui résiste le mieux à la logique.