De l’utilisation des puits et fontaines à l’alimentation en eau potable par un réseau hydraulique, l’approvisionnement et l’usage de l’eau en ville ont évolué au fil des siècles laissant des traces dans le paysage urbain et entrainant la disparition de certains lieux de sociabilité au profit de nouveaux. L’histoire de l’eau dans la ville revêt ainsi des aspects sociaux, techniques, économiques ou encore esthétiques. 

Lieux de travail, fontaines et lavoirs sont aussi des lieux de rencontres, d’échanges entre les membres d’une communauté et plus particulièrement entre les femmes chargées de réapprovisionner la maison en eau ou de laver le linge. 

Au début du XIXe siècle, la « Grande fontaine de Pau » située dans le quartier du Hédas est surnommée « la chambre des députés » car c'était là que les femmes délibéraient sur les affaires du quartier. Grisettes et servantes venaient y laver le linge. 

Grisette et servantes à Pau (Basses Pyrénées) / Bibliothèque Rosalis (Toulouse)

Les Pyrénées : Discussion à la Fontaine / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas

Le développement des villes et la transformation progressive des villages en villes s’accompagnent d’une demande croissante en eau. Outre les besoins domestiques, l’eau est nécessaire pour arroser les chemins poussiéreux en été, entretenir les voies publiques, abreuver les animaux et nettoyer les voitures.

Avec la construction d’établissement publics comme les hôpitaux, les écoles, les bains publics, le développement touristique, artisanal et industriel, l’apparition de la société des loisirs, les besoins en eau d’une ville ne cessent d’augmenter. Les fontaines naturelles ne suffisent plus d’autant que, soumises aux aléas climatiques, elles se tarissent lors des grandes sécheresses. 

Pau : A l'abreuvoir du marché au bois / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas

Au début du XIXe siècle, les habitants de la ville de Pau et de ses alentours se procurent l'eau potable par l’intermédiaire de fontaines naturelles, de puits publics et de puits privés. L'eau des fontaines du ravin du Hédas (la grande fontaine) de Trespoey, de Batsalle, des Marnières sont encore « très recherchées par les habitants » à la fin du siècle.

Journal des Étrangers, 7 décembre 1890 / Pireneas

La Fontaine du Hédas était alimentée par plusieurs sources. Seul point d’approvisionnement public de l’eau au Moyen-Âge, elle fera au fur et à mesure du développement de la ville l’objet d’une surveillance accrue de la qualité de ses eaux. A partir de 1713 et jusqu'à 1923 l'entretien de la fontaine est confié à un fontainier. 

La population paloise augmentant, un premier projet d’adduction d’eau est envisagé dès 1837, puis jugé trop coûteux, il est finalement repoussé par la municipalité, qui arbitrera sur d’autres projets, comme la construction d’églises. En attendant des travaux de plus grande ampleur, la ville sera équipée de puits et fontaines. 

En 1862, le maire de Pau, Jean-Baptiste Castetnau, invite les habitants à s'exprimer sur la question. Deux ingénieurs des Ponts et Chaussées dressent alors un projet adopté par le Conseil municipal qui prévoit le captage des eaux de la source du Néez sur la route des Eaux-Bonnes, en amont de la commune de Rébénacq. Le système d’alimentation en eau sera inauguré en 1866. 

Jean-Baptiste Castetnau. (1er) adjoint de la mairie / Dessin par Eugène Devéria (1805-1865) / Pireneas

L'Indépendant des Basses-Pyrénées, 8 août 1900

Ce système alimentera des fontaines, des abreuvoirs, des bornes-fontaines des bouches d’incendies et ne cessera de se développer amenant progressivement l’eau jusqu’aux robinets des bains publics puis des cuisines et salle de bains privées. 

Mémorial des Pyrénées, 16 juin 1885 / Pireneas

Hôtel Gassion, Vestibule-Hall : Une Salle de bain / Pireneas

En France, ce n’est qu’à la fin des années 1880 que la quasi-totalité des Français bénéficie de l’eau courante. 

Si la première utilité d’une fontaine publique est de permettre à chacun de s’approvisionner en eau, les fontaines et bassins sont également construits pour embellir la ville. L’eau ne joue plus seulement un rôle vital mais également un rôle esthétique, elle participe de l’attraction de la ville. 

Le 1er juillet 1886, un lecteur du Mémorial des Pyrénées suggère dans une lettre adressée au journal « d’établir au jardin Beaumont et au parc du Château quelques bassins agrémentés de rochers et animés par quelques oiseux aquatiques ». 

Le Mémorial des Pyrénées, 2 juillet 1886

Il faudra attendre 1898 pour que soit confié au paysagiste Henri Martinet (1867-1936) le réaménagement du Parc Beaumont. Martinet prévoit la création d’un parc à l’anglaise avec dans la partie nord l’installation d’un lac. Dans l’entre-deux guerres un jardin pyrénéen, reproduction en miniature d’un paysage de montagne, sera aménagé par le paysagiste municipal Louis Decorges : l’eau désormais tel un petit torrent serpente en pleine ville entre végétation et rochers. 

 Ville de Pau : Parc Beaumont. Echelle 1 / 1.000 / Martinet, Henri / Pireneas

Le même Louis Decorges crée en 1930, devant le Palais des Pyrénées place Clemenceau à Pau, un square de forme elliptique. Au centre du square trône une magnifique fontaine surmontée d’une sculpture en marbre blanc, La source réalisée par Paul Auban (1869-1945).  

Cette sculpture, cadeau de Léon Bérard (1876-1960) à Alfred Lassence, maire de Pau (1908-1919 et 1927-1930) sera installée en 1913 dans le palmarium du Palais d’hiver puis déménagée en 1931, place Clemenceau.

L'Indépendant des Basses-Pyrénées, 16 janvier 1913

Pau : Le bassin du Square Clémenceau / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas

De généreux donateurs sont parfois à l’origine d’une fontaine, d’une pièce d’eau.  

C’est le cas de la fontaine de la place Saint-Louis de Gonzague à Pau, mise en place en 1899 contre la Tour des Sciences du lycée Louis Barthou grâce au don de Louise Daran, épouse de Léon Daran (1814-1894), médecin palois et conseiller municipal.  

Cette fontaine due au sculpteur Louis-Joseph Alexandre est surmontée d’un vautour tenant dans ses serres un isard mort, œuvre de l’artiste palois Théo Lanne élève d’Alexandre. 

La construction de la fontaine proprement dite est l’œuvre de l’architecte Joseph Larregain.

Grâce au legs de Charles Latapie fait en 1902 en faveur de la ville de Pau deux fontaines imaginées par le sculpteur Ernest Gabard (1879-1957) ont pu voir le jour. 

L'Éclaireur de la ville de Pau, 18 juin 1904

Le 29 décembre 1913, c’est la fontaine dite de « La Femme au puits » qui est dévoilée à la croisée des rues Porteneuve, Castetnau et de l’Avenue Thiers. 

 L'Indépendant des Basses-Pyrénées, 21 décembre 1913 / Pireneas

Pau : La Fontaine de la Rue Porteneuve (Oeuvre de M. Gabard, Don de M. Latapie) / Bibliothèque Patrimoniale Pau / Pireneas

Puis, en 1920, Ernest Gabard, réalise aussi La Fontaine aux enfants, inaugurée par Léon Bérard au parc Beaumont. Placée par la suite au complexe de la République puis transférée en 1993 sur le boulevard des Pyrénées, cette fontaine se trouve aujourd’hui dans le jardin du Musée des Beaux-Arts. 

Pau : Fontaine au Parc Beaumont / Bibliothèque Patrimoniale de Pau / Pireneas

Artiste accompli, Ernest Gabard, dessinateur, peintre et graveur, est l’inventeur du fameux Caddetou.