Thermalisme
Le thermalisme recouvre l'ensemble des techniques et savoirs mis en œuvre dans le but d'utiliser les eaux minérales et leurs composants à des fins thérapeutiques ou de bien-être. Le thermalisme peut s'envisager d'un point de vue historique, médical ou touristique.
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Un peu d'Histoire...
La médecine thermale trouve son origine dans l'Antiquité : les maladies comme la lèpre étaient soignées avec des bains, les blessés de guerre se rendaient aux thermes pour se rétablir. L'eau à cette époque était donc synonyme de salut et de bienfait.
Les Romains qui vouaient un culte sans bornes à l'eau ont construit des fontaines, des aqueducs et bien sûr des thermes. Les thermes antiques ne sont pas seulement fréquentés pour les vertus thérapeutiques de l’eau ni même seulement pour leur utilité hygiénique mais surtout parce que ce sont des lieux de sociabilité, souvent luxueux, ornés de sculptures, peintures, et statues.
Thermes romains / Montpellier Méditerranée Métropole, Est3028-13
En France dès la Renaissance des mesures sont prises pour encadrer la pratique du thermalisme. En 1549 par lettres patentes signées d’Henri II, les sources thermales deviennent propriété de l’État puis en 1605, Henri IV crée la Surintendance des eaux minérales et exerce les premiers contrôles sur les eaux thermales.
Au fil des siècles la législation accompagnera les développements du thermalisme, et l’exploitation des eaux minérales.
De son côté la médecine a joué un rôle crucial dans l’engouement pour le thermalisme.
Au XVIIIe siècle, le médecin Théophile de Bordeu insiste sur l'utilité des eaux minérales et sur les avantages de l'inoculation. D'autres avancées contribuèrent à l'évolution du thermalisme et en 1950, en France, les soins thermaux sont pris en charge par la Sécurité Sociale
La période romantique donne une nouvelle modernité au thermalisme. Dans les Pyrénées, plusieurs stations thermales se développent, portées par le goût impérial pour les villes d'eaux. Dans le même temps, les chemins ferroviaires facilitent l’accès aux stations.
En France, aujourd'hui, le thermalisme se veut de plus en plus, médicalisé mais, parallèlement les séjours de remise en forme dans les centres de thalassothérapie sont de plus en plus prisés.
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Du côté de la médecine
Théophile de Bordeu (1722-1776)
Savant d'avant-garde, Théophile de Bordeu est né à Izeste dans le Béarn en 1722 et mort à Bagnères de Bigorre en 1776. Précurseur de François-Xavier Bichat, il est issu d'une famille de médecins.
Le Journal de Barèges, manuscrit de 600 pages conservé par la Bibliothèque patrimoniale de Pau a été rédigé successivement par Antoine de Bordeu, le père de Théophile, puis par Théophile lui-même et poursuivi par ses fils, Théophile et François Ce document est une source d'informations précieuses sur les propriétés thérapeutiques des sources et un document fondateur du thermalisme dans les Pyrénées.
Bordeu poursuit ses études à Montpellier où il se démarque par ses prises de position contre les doctrines de Boerhaave.
En 1748, il lance le thermalisme pyrénéen en dirigeant la cure du duc et de la duchesse de Biron. L'année suivante, il est nommé inspecteur des eaux thermales de la généralité d'Auch et inspecteur des eaux de Barèges. A Paris, grâce à ses liens amicaux avec la Comtesse du Barry, Bordeu acquiert dans la bonne société une grande notoriété, malgré quelques détracteurs (Jean-Jacques Rousseau l’accuse dans ses Confessions d'avoir mal soigné le fils du Maréchal de Montmorency).
En 1761, il fait l’objet d’un procès retentissant : l'affaire Poudenas.
Remarques sur le mémoire de Poudenas, par Bordeu, Théophile de (1722-1776)
Développant ses théories et idées, il se retrouve au cœur de polémiques, démêlés judiciaires et intrigues de Cour. Ses initiatives médicales ne sont pas en accord avec les pratiques de ses confrères. Bordeu prône la croyance en une force spéciale qui expliquerait mieux que les raisons chimiques et médicales certains dérèglements ou dysfonctionnements. C'est ce qu'il appelle la sensibilité. En raison de ces incidents, Bordeu, malgré le soutien de Madame du Barry échoue au poste de premier médecin du roi.
Ami de Diderot et de d'Alembert, il rédige un seul mais long article pour l'Encyclopédie intitulé « CRISE », paru en 1754 dans le Tome IV (p.471-489). Denis Diderot le met également en scène dans Le Rêve de d'Alembert, un ensemble de dialogues philosophiques paru en 1769. Bordeu devient un personnage de fiction qui prône l'importance de la sensibilité, le rôle du système nerveux, l'importance des fibres ainsi que la hiérarchie fonctionnelle des organes.
Ses importantes découvertes en anatomie, en physiologie, en neurologie et en hydrologie font de Théophile de Bordeu un personnage incontournable de l’histoire du thermalisme dans les Pyrénées ainsi que de l'histoire de la médecine.
Charles Nogaret (1817-1878)
Charles Nogaret est considéré comme le pionnier du thermalisme salisien. Auréolé d'un doctorat en médecine en 1844, il souhaite faire de Salies-de-Béarn une station hydrominérale.
En 1845, il commence à soigner les lymphatiques et les scrofuleux en faisant transporter l'eau du Bayaa chez les malades. C'est alors qu'il obtient l'installation de deux baignoires dans la saline. Le 27 avril 1855, sur le rapport du docteur Henry, il est autorisé à exploiter les eaux du Bayaa.
Sous son impulsion en 1858, la Coopération des Parts-Prenants décide de la construction du premier établissement thermal de Salies. Nogaret est nommé inspecteur de l'établissement thermal qui comprend dix baignoires et où l'on peut traiter les rhumatismes. Au moment où les cures thermales sont en plein essor, la station acquiert une grande renommée. Nogaret ne cessera de réclamer des agrandissements, plus d'eau salée, une salle d'inhalations, des hôtels et d'autres bâtiments annexes. Nogaret est l'auteur de plusieurs études sur l'eau.
Modes d’admission
Les stations thermales pratiquent différents usages de l'eau : bains (souvent chauds, ils facilitent la mobilité articulaire), douches (pratiquées par les médecins thermaux, elles ont un effet sédatif ou stimulant), inhalations, gargarismes, injections, boissons.
La distribution des boissons s'effectue dans des buvettes qui voient ainsi le jour dans plusieurs villes thermales. C'est le cas notamment aux Eaux-Chaudes avec la buvette Minvieille, à Saint-Christau avec sa buvette sulfureuse. Le service est assuré par une serveuse d'eau que les poètes comparent à une naïade. Ces curistes sont attachés au verre d'eau offert par la station thermale.
Eaux-Chaudes : Buvette Minvieille et Poste Métorologique / Pireneas
Voyage aux Pyrénées, par . H Taine (illustrations par Gustave Doré) / Pireneas
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Côté tourisme
Aménagements touristiques
Au XVIIIe siècle, Théophile de Bordeu préconisait déjà le divertissement en parallèle de la cure. Dans la seconde moitié du XIX siècle, les villes thermales soucieuses d’accueillir et de fidéliser les curistes se modernisent, améliorent leurs infrastructures et proposent de plus en plus de divertissements.
Progressivement l'hôtelier remplace le logeur et la vielle auberge cède le pas au palace qui fait son apparition à partir des années 1910. Les stations lancent des campagnes publicitaires pour mettre en avant ces avancées, et si elles ne possèdent pas ces atouts, mettre en avant le calme que l’on trouvera et l’environnement naturel propice à la promenade.
Chemins de fer d'Orléans de l'État & du Midi : Thermes de Cauterets, par M. Pallandre / Pireneas
Parmi les distractions offertes dans les stations thermales, les casinos dont l’ouverture est autorisée par décret uniquement dans les villes d’eau et seulement pendant la saison théâtrale sont très fréquentés.
Eaux-Bonnes : Le Casino / Pireneas
Les représentations théâtrales font l’objet de tournées dans les stations thermales et les comédiens se produisent dans des salles de théâtre fraîchement construites. Théâtre, comédies, opérettes, opéras-comiques, et opéras y sont programmés.
Les stations possèdent également de petits orchestres qui jouent en moyenne trois fois par jour dans des endroits bucoliques comme dans les parcs entourant les sources ou bien dans des kiosques.
Des bals et des fêtes fréquentés par la bonne société sont régulièrement organisés par la préfecture. Les enfants ont aussi leurs propres animations. Les stations suivent les modes de toute la France et notamment celle de la Côte d'Azur avec les batailles de fleurs.
Luchon, la reine des Pyrénées. Fête des fleurs. Aout 1892 : par H. Gray
Bibliothèque nationale de France, département Bibliothèque-musée de l'opéra
Excursions et promenades
Portés par la vague du Romantisme, les voyages vers les eaux des Pyrénées se multiplient créant ainsi la renommée des stations thermales.
Héritiers des voyageurs du XVIIIe siècle, les voyageurs romantiques profitent des avancées techniques avec l'arrivée du chemin de fer pour se rendre notamment dans les Pyrénées. Recommandées par le corps médical, les promenades et excursions sont prisées par les curistes qui viennent autant pour les soins que pour découvrir les paysages.
Etablissement Thermal Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) / Pireneas
Courrier d'Eaux-Bonnes du 2 juillet 1896 / Pireneas
Dans son Voyage aux Pyrénées, publié en 1855, Hippolyte Taine croque avec humour et ironie, entre soins, promenades et excusions, salons de thé, bals et concerts, le petit monde des curistes passant d’une occupation à l’autre.
La ville des Eaux-Bonnes est réputée pour ses promenades qui favorisent la jonction de la station avec les sites pittoresques, les cascades ou les sources. C'est le cas de la promenade horizontale dont le percement débuta en 1841. D'une longueur de 1,7 kilomètres, elle exploite le somptueux panorama de la Montagne Verte. La villa Bellevue, propriété d’un guide célèbre, Pierre Lanusse, se situe sur cette promenade horizontale qui devient un lieu de détente et de sociabilité.
Eaux-Bonnes : Villa Bellevue - Vue sur Laruns / Pireneas
Une autre promenade dite « promenade de l'Impératrice » fut commandée par l'Impératrice Eugénie pour relier la Butte au Trésor à la Cascade du Gros-Hêtre. Cette promenade fut un cadeau de l'Empereur à son épouse.
Eaux-Bonnes : Promenade de l'Impératrice / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas
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Principales stations thermales
Les Eaux-Chaudes
La station thermale des Eaux-Chaudes, rattachée à la commune de Laruns est située dans la vallée d'Ossau.
Les Eaux Chaudes étaient déjà connues de la cour de Navarre comme en témoigne le nom d’Eaux d’Albret qu’on lui attribue à cette époque. En 1540, Jacques de Foix, évêque de Lescar y fait construire une maison en pierre. Jeanne d’Albret s’y rend plusieurs fois et y impose, en 1566, la présence de quatre pasteurs protestants chargés de prêcher la religion réformée aux baigneurs. En 1576, une ordonnance d’Henri d’Albret, lieutenant général du roi en Navarre et Béarn, définit le confort minimum à assurer dans les 19 "cabanes" et 2 maisons présentes sur le site et en réglemente l’approvisionnement qui est confié à la commune de Laruns. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, le site reste réputé, Henri IV, ainsi que Catherine de Navarre le visitent plusieurs fois. Michel de Montaigne, ami d’Henri IV, y fait également un séjour.
Durant le XIXe siècle, la station se spécialise dans le traitement des maladies de la femme et surtout pour les soins permettant d’accroître la fertilité. Le Second Empire y laissa également trace de son passage. De nos jours, les eaux de la station sont préconisées dans le traitement des maladies des voies respiratoires et rhumatismales.
La composition de ses sources est variée : sulfures, sodium, calcium et silicate. Toutes jaillissent à une température entre 35 et 36°C.
Eaux-Chaudes / Bibliothèque municipale de Toulouse, A-GORSE (6-12) / Rosalis
Les Eaux-Bonnes
Situées dans la vallée d'Ossau à 750 mètres d'altitude, les Eaux-Bonnes sont nées en 1861 de la réunion de quatre villages : Eaux-Bonnes, Aas, Assouste, Gourette.
Dès le XVIe siècle, Les Eaux-Bonnes bâtissent leur réputation sur la guérison des blessures faites à l’arquebuse aux seigneurs et soldats béarnais, suite à la bataille de Pavie en 1525 ; les Eaux-Bonnes sont alors appelées « Eaux d'arquebusade ».
Au XIXe siècle, Impératrice Eugénie en fait sa station attitrée, et Les Eaux-Bonnes se développent alors. Le jardin Darralde, d'inspiration anglaise, bordé par une architecture du premier et second Empire ainsi que la promenade de l'Impératrice embellisse la ville.
Composées de sulfures, de chlorures de sodium et de sulfates de calcium, la température des sources minérales varie entre 13 et 44° C.
Reconstruits en 1830, les thermes sont toujours en activité aujourd'hui : la station s'est spécialisée dans le traitement des maladies ORL, rhumatologiques et des affections des voies respiratoires.
Vues des Pyrénées = Views of the Pyrenees : Thermes des Eaux-Bonnes / Ernest Lamy / photographie stéréoscopique / Pireneas
Ogeu-les-Bains
Étymologiquement, Ogeu signifie « œil de la source ».
Les sources d'Ogeu sont appréciées depuis le Moyen Age et utilisées dès le XVIe siècle pour traiter les affections du foie, des reins et de l'estomac. Jusqu’en 1820 les sources d’Ogeu sont propriété de l'État.
En 1830, un médecin, le docteur Casamayor rachète les sources et construit un établissement thermal. En 1889, la veuve du docteur Casamayor obtint l'autorisation de l'État d'exploiter à usage médical l'eau d'Ogeu.
La Seconde guerre mondiale met un terme aux activités thermales de la cité et la station sera remplacée en 1943 par une usine d'embouteillage dirigée par une descendante du docteur Casamayor.
Bains d'Ogeu / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas
Lurbe-Saint-Christau
Traversée par le gave d'Aspe et par ses affluents, la commune de Lurbe-Saint-Christau est une petite station thermale située dans la vallée d'Aspe.
Jaillissant à 14°C, les eaux de Lurbe-Saint-Christau sont cuivreuses, riches en minéraux et particulièrement efficaces dans le traitement de certaines dermatoses et affections des muqueuses.
Cinq sources sont exploitées : la source des Dartres (efficace contre les maladies de peau), la source des Arceaux (contre les fièvres intermittentes), les deux sources de la Prairie (luttant contre les rhumatismes, les infections des reins et de la vessie et facilitant l'expectoration), la Fontaine du Pêcheur (employée en boisson pour le traitement de diverses maladies comme le scorbut et les affections respiratoires).
Une légende rapporte qu'un bûcheron lépreux aurait découvert la source des Dartres au XIVe siècle.
Vallée d'Aspe : Saint-Christau - L'Avenue des Bains Vieux / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas
Les Bains du Broca à Gan
Aux alentours de 1740–1750, à l'époque même de la construction de ces bains, les eaux furent l'objet d'un affrontement épistolaire entre deux éminents médecins : Bergerou, médecin royal et doyen du Collège de Pau déclarait que ces eaux étaient « apéritives, stomacales, absorbantes et propres pour bien des maladies tant internes qu'externes mais surtout pour les coliques néphrétiques et les fièvres intermittentes opiniâtres », tandis que Théophile de Bordeu préconisait l'usage de ces eaux pour « les estomacs lents et pleins de glaire ... tels ceux des filles dont l'estomac n'est pas totalement dérangé et dans lesquelles on n'a pas à craindre les convulsions et la sécheresse ».
Gan, près Pau : Les Bains et Source Broca / Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques / Pireneas
En dépit de ces moments de gloire et malgré la construction, avant la Première Guerre Mondiale, d'un second bâtiment qui devait abriter quatre baignoires, la fréquentation des Bains du Broca déclina progressivement au cours du XIXe siècle.
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En savoir plus
Salies de Béarn, la reine des eaux salées - Escòla Gaston Febus
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