Tout à la fois jeu de hasard et jeu instructif, le jeu de l’oie se développe dès la Renaissance et prend une ampleur particulière au temps des Lumières.

En pratiquant divers jeux, les joueurs se familiarisent avec des thèmes variés. Il existe en effet très tôt, toutes sortes de jeux de l'oie qui s'inspirent de domaines de connaissances tels que l’histoire, la littérature ou encore les sciences. Certains de ces jeux sont consacrés à des univers très spécifiques comme les moyens de locomotion, les blasons ou encore les voyages.

Enfin, on trouve des jeux dont les cases illustrent des principes moraux, accompagnent de grandes commémorations et plus directement sont au service d’une propagande politique.

C'est le cas de deux jeux de l'oie numérisés par la Bibliothèque nationale de France accessibles sur Pireneas.

Il s’agit de jeux de propagande révolutionnaire édités en 1792.

 

Les Delassemens du Père Gérard ou la poule de Henri IV : Mise au Pot en 1792 : Jeu National. 1792

 

 

et

Jeu national et instructif ou leçons exemplaires et amusantes :
données aux bons citoyens, par Henri IV et le Père Gérard. 1791-1792

 

 

Afin de sensibiliser le public, deux figures emblématiques de cette période sont utilisées pour en faire la promotion : Le père Gérard et le bon roi Henri.

La figure du bon roi Henri est ainsi associée à celle du député et paysan breton, Michel Gérard (1735-1815) surnommé le «Père Gérard», rendu célèbre tant par les royalistes que les Républicains qui ont su tirer parti du symbole du «Bon sens paysan» qu’il représente.

Michel Gérard simple cultivateur, devenu membre de l’Assemblée Constituante, s’y fit remarquer par son franc-parler, son apparente naïveté et son costume breton.

On retrouve la figure du Père Gérard dans l’Almanach qui porte son nom.

En novembre 1791 à l’issue d’un concours organisé par la Société des Amis de la Constitution de Paris, qui souhaite publier un ouvrage de vulgarisation pour présenter les principes de la Constitution, le député montagnard Collot d’Herbois remporte le prix pour son Almanach du Père Gérard. L’ouvrage connaît rapidement et ce malgré les attaques des contres-révolutionnaires un immense succès.

Cet almanach sera traduit en breton, en provençal, en flamand et également en allemand et anglais.

Les deux jeux sont constitués de 83 anneaux entrelacés et disposés en spirale qui conduisent le joueur de la case Liberté jusqu’à la vignette centrale figurant une corne d’abondance intitulée La Nouvelle convention (promulguée en septembre 1791) ainsi que Le Génie de la liberté éclairant les Français. 

Les cases habituellement occupées par l’oie sont ici réservées à la poule : la poule au pot d’Henri IV symbole de prospérité.

En ces temps anti-royalistes, Henri IV reste le seul roi qui conserve la sympathie des républicains.

• > à la case 18 c’est la fin du despotisme,
• > à la case 30/31 (selon le jeu) on abolit les lettres de cachet,
• > à la case 31/32 on démolit la Bastille,
• > à la case 41/42 les droits de l’homme sont déclarés,
• > à la case 44/45 c’est la Révolution,
• > à la case 46/47se réunit l’Assemblée nationale.

 

Une fois l’ensemble des cases parcourues, le joueur est instruit des bienfaits de la Révolution.

Vendus par les colporteurs dans les campagnes ces jeux servaient à diffuser les idées révolutionnaires partout en France dans les classes populaires.

Si aujourd’hui ces jeux de propagande révolutionnaire nous font sourire, il n’en reste pas moins qu’ils véhiculent des valeurs, de liberté, égalité, citoyenneté, patriotisme, tolérance, héritées des Lumières et des vertus comme le courage dont nous avons plus que jamais besoin.

 

[Jeu de cartes au portrait de fantaisie dit "de l'Histoire de France"]